
Il court. Il dévale. Il boule. Il bordaille. Il pantèle.
Sur les bords du Mississipi
Un alligator se tapit.
Il l’a aperçu. Gueule ouverte. Prêt à l’engouffrer. L’alligator lui a même dit : « Bonjour mon garçon ». Alors il s’est enfui. À toutes jambes. Pour ne pas tomber sous sa dent. C’est pas comme s’il avait rencontré un brochet. Lui aussi, il a des dents. Mais le brochet voulait seulement voir…Le Gange et le Nil Le Tage et le Tibre Et le Yang-Tsé-Kiang. Pas le Mississipi.
Alors il détale. Il a le diable à ses trousses. Un diable aux mâchelières expressionnistes. Impressionnistes. Sensationnistes. Surréalistes.
Il se carapate. Il se carapace.
Comme le …Homard le pacha de la mer, Homard le bleu, homard le rouge, Homard le nageur à l’envers. Le homard qui bouge quand il remue.
Il reprend souffle. Il pense. Mais que diable suis-je allé faire dans cette galère ? Cet aphorisme le conduit en remembrance. Il se rappelle Joséphine. Sa tortue. Elle lui disait : « Je suis tortue et je suis belle, Il ne me manque que des ailes Pour imiter les hirondelles ». Joséphine aimait bien aussi les bluets pour s’y cacher. C’est la reine des hirondelles Qui s’éclaire avec des chandelles Et des bluets. Joséphine se croyait reine sans ailes.
Un frémissement. Il sursaute. Un crapaud il y a, Qui pleure à chaudes larmes Sous un acacia — C’est que j’ai le malheur De n’être pas beau. Un escargot qui passe lui répond en écho. Beau ? Est-ce que le temps est beau ? Car, pour moi, s’il faisait beau C’est qu’il ferait vilain temps.
Soudain se dresse devant lui un léopard. Il miaule à mi-voix Et vient de nulle part.
Il prend les jambes à son cou. Il met les bouts. Il a le feu au derrière. Il court comme un zèbre.
Au clair soleil de Barbarie, Il sort alors de l’écurie Et va brouter dans la prairie Les herbes de sorcellerie. Mais la prison sur son pelage, A laissé l’ombre du grillage.
Mais voici qu’une colonne de fourmis l’arrête dans son élan. Une colonne ? Non ! Une fourmi de dix-huit mètres Avec un chapeau sur la tête. Une seule fourmi, traînant un char Plein de pingouins et de canards. Une grandissime fourmi, parlant français, Parlant latin et javanais.
Bonjour ! je me présente. Je suis Tambocha. Je recherche Pereskia. L’avez-vous vu ?
C’est un sacré gaillard un fameux dépendeur d’andouilles un grand flandrin un va-nu-pied un pistolet un drôle de lascar un drôle un rigolo comme de juste puisque c’est un pistolet un drôle de corps un coquin un amiral des forêts un général de peau de porc La terreur des sables fins. (*)
Il est en nage, il ruisselle, il dégouline.
Robert s’éveille. Le psychanalyste lui demande :
Votre histoire se passait où ? Chez les Zoulous ? les Andalous ? Ou dans la cabane bambou ? À Moscou ? Ou à Tombouctou ? En Anjou ou dans le Poitou ? Au Pérou ou chez les Mandchous ?
Hou ! Hou ! Pas du tout c’était chez les fous.
• «.¸¸.¤°´¯`•๓.๔• ´¯`°¤.¸¸.»•
Ce texte, imaginé pour l’Agenda Ironique d’Avril, conduit par Anna Coquelicot, recèle des extraits des poésies de Robert Desnos, recueillis dans le florilège « CHANTEFABLES ET CHANTEFLEURS » publié en 1952.
(*) – Seul ce poème n’apparaît pas dans le recueil. Il s’intitule « Le Cactus Délicat » – Destinées arbitraires – 1926.
(Le pereskia est une race de cactus…)
Le cactus délicat
est un sacré gaillard
est un fameux dépendeur d’andouilles
est un grand flandrin
est un va-nu-pied
est un pistolet
est un drôle de lascar
est un drôle
est un rigolo
comme de juste puisque c’est un pistolet
est un drôle de corps
un coquin
un amiral des forêts
un général de peau de porc
La terreur des sables fins
Le ténor pour sourd et muet
mais ça n’arrange pas ses petites affaires
ni sa santé.Robert Desnos
C’est le poème d’Aimé Césaire qui devait inspirer nos délires ironiques.
Insolites bâtisseurs :
tant pis si la forêt se fane en épis de pereskia
tant pis si l’avancée est celle des fourmis tambocha
tant pis si le drapeau ne se hisse qu’à des hampes
desséchées
tant pis
tant pis si l’eau s’épaissit en latex vénéneux préserve la parole rends fragile l’apparence capte aux décors le secret des racines la résistance ressuscite
autour de quelques fantômes plus vrais que leur allure
insolites bâtisseurs
Ben pourquoi pas ? Vas-y pas le bon poème, je cite je cite je cite, je repars à Paname au lieu de Panama. TU pousse le bouchon un peu trop loin ‘Cevisse !
;o)
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‘CRevisse bien sur.
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quel folle course bravo!
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😀
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Quel florilège ! Une trilogie avrilesque !
J’ai déjà croisé un « grand flandrin » chez Queneau, je crois ! J’adore cette expression !
Prolifique bâtisseuse, l’Écrevisse…
🙂
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❤
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« J’avions pas de ptits bouts de papiers avec un numéro dssus, jsommes tout de même monté dans steu
carriole. Une fois que j’m’y trouvons sus steu plattforme de steu carriole qui z’appellent comm’ ça eux
zautres un autobus, jeun’sentons tout serré, tout gueurdi et tout racornissou. Enfin après qu’j’euyons
paillé, je j’tons un coup d’œil tout alentour de nott peursonne et qu’est-ceu queu jeu voyons-ti pas ? un
grand flandrin avec un d’ces cous et un d’ces couv-la-tête pas ordinaires. Le cou, l’était trop long.
L’chapiau l’avait dla tresse autour, dame oui. Et pis, tout à coup, le voilà-ti pa qui s’met en colère ? Il a dit
des paroles de la plus grande méchanceté à un pauv’ messieu qu’en pouvait mais et pis après ça l’est allé
s’asseoir, le grand flandrin.
Bin, c’est des choses qu’arrivent comme ça que dans une grande ville. Vous vous figurerez-vous-ti pas
qu’l’avons dnouveau rvu, ce grand flandrin.
Pas plus tard que deux heures après, dvant une grande bâtisse qui pouvait bien être queuqu’chose
comme le palais dl’évêque de Pantruche, comme i disent eux zautres pour appeler leur ville par son petit
nom. L’était là lgrand flandrin dson espèce et qu’est-ce qu’i lui disait l’autt feignant dson espèce ? Li disait,
l’autt feignant dson espèce, l’i disait : « Tu devrais tfaire mett sbouton-là un ti peu plus haut, ça srait ben
pluss chouette. » Voilà cqu’i lui disait au grand flandrin, l’autt feignant dson espèce. »
Raymond Queneau – Exercices de style
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Ah ah ! Toute une époque !
Je la connaissais par coeur, cette réplique, autrefois !
« Je me dis : qu’il le fasse monter ou descendre son furoncle, il sera toujours aussi moche, ce sale con ».
(Injurieux, Exercices de style).
😉
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